jeudi 7 octobre 2010

Etre syphilitique au Guatemala.


 Etre syphilitique au Guatemala.

Détrompez-vous, ceci n’est pas le titre d’un de ces documentaires mi-humanitaires, mi-exotiques dont les chaînes télévisées nous gavent. Il s’agit plus prosaïquement d’une information parue le 4 octobre dernier dans les colonnes du journal « Le Monde » : le président Obama a présenté des excuses à son collègue du Guatemala qui les a reçues avec froideur : les Etats-Unis auraient commis dans son pays un crime contre l’humanité. De quelle humanité s’agit-il ? Manifestement d’une humanité guatemaltèse. Quant au crime, il remonte loin dans l’histoire : 1940, ce n’est pas hier. La planète était agitée par une guerre entre puissants,  la dernière qu’ils aient faite «  chez eux »…. pour les suivantes, ils sont allés dehors, tels ces gamins qu’on envoie jouer dans la rue pour laisser la maison bien rangée.
 Retour au Guatemala : entre 1946 et 1948, l’armée américaine inocule la syphilis à 696 autochtones : dans l’ordre chronologique on injecte le bacille à des prostituées, des prisonniers de droit commun, des militaires et enfin des fous. Pour quelle raison me direz-vous ? Oh très honorable : tester les effets de la pénicilline sur le fameux « tréponème pâle ».  Dans ce cas, pourquoi le Guatemala ? Parce que l’essai, débuté dans un pénitencier fédéral américain n’a pas réuni suffisamment de « volontaires », alors on a regardé ailleurs et les Guatémaliens, magnanimes, ont offert leur corps à la science… libres à eux. En somme, la syphilis guatemaltèse fut la seule qu’on attrapait sans accouplements et qui résistait  au préservatif.
 Depuis cette anecdote infâme le temps a coulé: adultes en 1947, les inoculés ont dû trépasser de vieillesse ou de syphilis, ils auront permis à la médecine d’utiliser la pénicilline en toute sécurité et de guérir ceux qui sont venus après, bref d’accomplir sa vocation de toujours : sauver des vies. Pour atteindre le havre de bien que la médecine est censée ne jamais perdre de vue, il  lui a fallu un minuscule détour par 696 guatémaltèques. En plein détour, elle a eu la vue si brouillée que ces 696  malheureux sont passés à la trappe. Pas vus, juste aperçus, des êtres humains ? A peine !  De la chair à Syphilis.  Entre chair à canon et chair à syphilis, la frontière est ténue. Dans les deux cas, lorsqu’on réchappe, un traitement attend, pénicilline ou autre… la médecine abrite son immoralité sous l’habituel masque de bienfaisance qui la sanctifie.
Si le procédé américain a eu le mérite de son effroyable simplicité, d’autres exemples existent, plus mâtinés, presque récupérables : le premier lot de vaccin contre l’hépatite B a  été envoyé dans un pays d’Afrique noire, entreprise purement  humanitaire….
 Soyons sérieux ! Inoculer à des bien- portants un bacille vivant ou des bouts de virus inactivés, reste une procédure sombrement criminelle. Les volontaires n’ont fait preuve d’aucune volonté,  sans doute ont-ils été « volontarisés » par quelque promesse de gain ou de réduction de peine ; la misère peut faire basculer dans le premier précipice venu.
Au-delà de ces faits divers peu réjouissants, le problème est plus vaste. En définitive de quoi s’agit-il ? De nous rendre malades afin de nous soigner. Sans être aussi directe que la syphilis Guatémaltèque, la méthode est désormais si répandue qu’elle en devient banale. « Tombez malade, nous ferons le reste », jolie devise pour cette société dans laquelle nous sommes embrigadés tels des veaux !  Voyez donc ce que la vie pressée nous incite à  ingurgiter : ces sandwichs sur le pouce, ces pizzas généreusement aspergées d’huile piquante, ces sucreries à foison pour échapper au coup de barre qui guette ou  à l’ennui qui ronge. La vie nous gave, puis nous tue.  Un beau matin, on se découvre un surpoids dont  on est le premier surpris ; au bilan sanguin demandé par un copain médecin, tous les indicateurs sont au rouge ; on pousse la porte d’un spécialiste, une demi heure plus tard on ressort, mine plombée : la tension artérielle galope dans le mauvais sens, le cholestérol est trop haut, la glycémie trop sucrée…jambes flageolantes  on se dirige vers la pharmacie la plus proche.
En chemin on allume une cigarette, à peine la troisième de la journée, on était à deux paquets. Il faut dire  que c’était au siècle dernier, on avait vingt ans, tous les états d’âme passaient par le fin tunnel de nicotine, goudron et autres excréments. Et puis comment résister à l’image de Bogart, cigarette au bec, une superbe créature au bras, (Etait-ce bien Lauren Baccall ?). Il faut dire que les cigaretiers ont bien fait leur boulot, ces salauds connaissaient tous les risques de leur marchandise : consignés dans des documents soigneusement planqués au fin fond de leur conscience. Aujourd’hui, on a le souffle court et on crache ses poumons tous les matins. Qu’à cela ne tienne, la kinésithérapie respiratoire est là, bénéfique et remboursée par la sécurité sociale.
Inoculer, rendre malade, traiter, la séquence est bien rodée. Mais il est parfois d’insidieuses inoculations, totalement injustes, vous n’avez rien fait pour, pas de vice, aucun faux pas ! Installé au chaud dans une vie ordinaire, vous regardez les infos : un virus a rappliqué à bord d’un long courrier, il arrive chez vous ; deus semaines après, vous êtes sommé de vous faire vacciner, sinon votre diabète va se sucrer, votre cœur enflera telle une citrouille, qui sait si vous serez encore là au  printemps…. Vous courez au vaccin, dénudez votre avant bras. Trois mois après on se ravise, la chose n’était pas si grave, par contre le vaccin est tout neuf, vous avez servi de cobaye… Mais, contrairement aux syphilitiques du Guatemala, vous n’allez recevoir aucun traitement, juste attendre et espérer que ce vaccin n’ait pas d’effets secondaires. Si c’est le cas, un diagnostic rapide vous est garanti, qui sait on pourra même aller jusqu’à vous présenter des excuses !

1 commentaire:

  1. c'est toujours bien mais ça donne froid dans le dos docteur. on ne sait plus à quel vacc-saint se vouer.
    j'attends toujours alice mais vous pouvez vérifier dans la foulée si on ne lui a rien inoculé

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